1995 TODESFUGE (hommage à Paul Celan), pastel sec, fusain, sanguine sur carton (Coll. frac Ile de France)

Ce fut une rencontre brutale, une lecture que me fit un ami à haute voix, en allemand puis en français. Le poème vint habiter en moi, ne me quitta plus. Je dessinais alors de grands fusains sur papier pour échapper au pastel sec, matériau que j’avais privilégié des années durant, qui soudain et violemment avait croisé un mot : cendre. Ma peinture avait été envahie par cette cendre sous son aspect le plus séduisant, celui de la beauté du contact direct de la main avec la couleur, et son travers le plus angoissant, sa fragilité de poussière, ma lutte incessante contre la disparition. Le poème de Paul Celan dénoua dans l’intensité de sa présence la douleur accumulée. Il fallut pour cela que la rencontre s’accomplit plastiquement. Je repris les fusains, les pastels, mes dessins des bâtiments de Rostock, ceux des visages de mes carnets parisiens ; je dessinai des dogues allemands. J’écrivis le texte du poème à la sanguine. La cendre sert à dessiner, à peindre, à lutter contre la destruction. Percevoir et traduire la vie, absolu du dessin. Anne Gorouben, Juin 2003, exposition MAHJ Paris